Les passeurs de mots, ce sont eux !
- Maïa Dugaire
- 2 févr.
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 avr.

Biographie
Alric et Jennifer Twice, mieux connus sous le nom de plume A.J Twice, sont un couple d'écrivain français vivant dans le sud de la France. Devenus des figures incontournables de la littérature de fantasy jeunesse, leur renommée explose en 2021 lorsque La Passeuse de Mots sort chez Hachette Romans. Année après année, ce sont des milliers de lecteurs qu'ils conquièrent à travers la francophonie et l'Europe : le [Limë] d'Arya est devenu le leur...
Interview
Cher Alric, Chère Jennifer,
Je vous remercie du fond du cœur d'avoir accepté d'échanger ces quelques mots avec moi et d'inaugurer par la même occasion la toute première interview de mon magazine numérique. Avant toute chose, j’aimerais vous poser une question simple : comment allez-vous, presque un an après la sortie tant attendue du tome 4 de La Passeuse de Mots ?
Avec plaisir !
Mieux, beaucoup mieux ! Merci de le demander ! (Même si nous démarrons l’année 2025 avec une bonne grippe… !). L’écriture du T4 a été très éprouvante physiquement, émotionnellement et mentalement. Pour rappel, à cause des aléas de la vie, nous avons dû – bien malgré nous - achever le manuscrit en quelques mois au lieu d’une année entière, ce qui a exigé beaucoup de sacrifices de notre part et a engendré un puits sans fond de stress. Alors il nous a fallu énormément de temps pour nous en remettre (pour être honnêtes, encore aujourd’hui, nous continuons de payer quelques pots cassés). Depuis, la pression est, fort heureusement, redescendue, et on a pu se recentrer sur nous-mêmes. Il a fallu aussi soigner les traumatismes dans l’acte même d’écrire, qui était devenu pour nous une source d’angoisse totale. À présent, nous avons trouvé notre rythme, nous avons pris beaucoup de recul sur le milieu de l’édition, avec les réseaux sociaux, et on priorise désormais notre santé mentale. Quant au tome 4, il a reçu un accueil formidable et nous avons vécu une très belle sortie. Ça nous a aidé à panser les plaies. On ira pas jusqu’à dire que ça valait le coup de souffrir, mais bon… !
Cette suite était particulièrement attendue par vos fidèles lecteurs, séduits par les personnages hauts en couleurs de Hélios ainsi que par les émotions que vous influez dans chacun de vos [mots]. Est-ce que ça a toujours été une évidence, pour vous, d’écrire et de transmettre la sensibilité ?
Pas vraiment. Lorsque nous avons débuté LPDM, il n’était même pas question de (hyper) sensibilité. C’est au fil des pages qu’on s’est rendu compte de ce qu’impliquait vraiment le personnage d’Arya, ainsi que ses pouvoirs. Comme beaucoup de choses avec cette saga, ça s’est fait d’une manière naturelle, qui nous dépasse complètement ! En revanche, ce qui était évident pour nous, c’était de raconter une belle histoire, avec des valeurs chères à nos yeux ; une histoire qui, pour commencer, nous faisait du bien à nous et qui permettrait – par la suite - aux lecteurs de rêver, de s’évader. De créer un véritable refuge. Après, il faut bien admettre que nos plumes sont vouées, quoiqu’il arrive, à transmettre des émotions, même si on s’attendait pas à ce qu’elles soient aussi exacerbées.
Quand on s’intéresse au [Limë], on remarque assez rapidement que ce qui unit chacun de ses membres, c’est justement leur sensibilité. En créant Arya et ses [mots], vous avez légitimé une faculté qui n’est pas toujours bien accueillie dans notre société. Est-ce que vous réalisez l’ampleur de l’œuvre que vous avez créée, et de l’importance qu’elle a prise chez des milliers de lecteurs ?
Ce qui est marrant, c’est qu’en écrivant LPDM, ça nous a d’abord permis de découvrir notre propre hypersensibilité et de l’accepter. De poser des mots sur nos maux, sur des ressentis que nous, ou notre entourage, ne comprenions pas. C’est une fois que LPDM a été édité, et que la saga a commencé peu à peu à trouver ses lecteurs, qu’on s’est rendu compte, au-delà du « succès » ou de « l’ampleur » … qu’on était très loin d’être seuls. Et c’est ça qui a été le plus fou. Et c’est vrai qu’on a très vite attiré à nous des âmes qui nous ressemblaient. On se sent très chanceux d’avoir une communauté aussi belle, fidèle et sensible.
Nous ne sommes du genre à « réaliser » facilement ce qui nous arrive, on a beaucoup de recul vis-à-vis de tout ça, et c’est vrai qu’on est un peu dans notre bulle, mais au fil des années, plutôt que d’être percée, cette bulle s’est agrandie pour accueillir de plus en plus de lecteurs. Et il y a des moments très spécifiques où là, on s’est dit « ah ouais, quand même ». On pense notamment à l’avant-première du T4 Gibert Montpellier, où nous avons été accueillis par une haie de gens souriants, plein d’amour. Où lors de dédicaces quand on rencontre des personnes tremblantes ou en pleurs qui arrivent à peine à nous dire tout le bien que la saga leur a apporté. Ou chaque fois que l’on reçoit un message privé ou un mail juste pour nous remercier. Certaines personnes nous ont déjà dit qu’on leur avait apporté de la lumière dans des moments très sombres, et même qu’on les avait sauvées. Il n’y a sans doute rien de plus beau pour un.e auteur.ice. Et c’est à la fois incroyable et très troublant.
Votre succès se lit notamment dans le soutien de votre communauté et par la diversité générationnelle que l’on y retrouve. Écrire un roman jeunesse accessible au plus grand nombre, est-ce que ça résonne comme un objectif atteint selon vous ?
Quand on a commencé LPDM, on ne s’est même pas posé la question de la cible. Honnêtement, on avait même pas vraiment les codes des livres jeunesse, YA ou autres. On a juste écrit, parce qu’on avait envie/besoin d’écrire, sans se poser la question du lectorat, ou même à quelle maison d’édition on proposerait cette histoire. On était loin de ces considérations.
Avec un peu plus d’expérience, on se rend compte que LPDM n’est pas à proprement parler un jeunesse. Le 1er tome peut être considéré comme tel, et est étiqueté 13+, mais en vérité on est pas forcément d’accord avec ça, notamment par rapport à certaines scènes assez matures, la difficulté de la lecture, l’épaisseur du roman. Et plus la saga avance, plus elle s’assombrit. Un peu comme les Harry Potter. Donc non, ce n’était pas un objectif, mais nous sommes heureux d’avoir atteint le cœur de lecteurs si différents les uns les autres. Le plus jeune lecteur a 11 ans, le plus âgé a plus de 80 ! Et c’est beau de se dire nos mots résonnent, peu importe la génération !
Au fond, notre véritable objectif, c’était surtout d’écrire une histoire qui dure dans le temps, qui ne disparait pas des rayonnages et des mémoires au bout de quelques semaines/mois. On voulait apposer nos empreintes, c’était le plus important. Que l’histoire dure dans le temps et marque les gens dans une société où les livres sortent à la pelle et sont considérés comme un produit de consommation.
Il est fréquent que les écrivains aient d’abord nourri leur passion des mots en lisant. Est-ce que certains livres sont devenus, au fil des ans, des références vers lesquelles vous vous tournez pour approfondir La Passeuse de Mots ?
LPDM s’est nourri de beaucoup de choses qu’on aime. Au-delà des livres, ce sont surtout des séries, des films, des mangas, notre vie perso. Nos inspirations sont assez visibles dans le 1er tome, il y a beaucoup de références, de clins d’œil. On avait du mal à s’en détacher d’ailleurs, puis au fur et à mesure, on a su trouver notre propre voix, notre propre patte. C’est un peu à l’image d’Arya qui, au début de l’histoire, vit dans ses livres. Peu à peu, elle s’en libère et vit ses propres aventures. Donc aujourd’hui, même si on lit beaucoup, on cherche pas vraiment à s’en inspirer pour LPDM, c’est même le contraire. On aime bien aller à contre-courant de ce qui se fait, des modes, des tropes. Nos lectures nous aident plutôt à améliorer notre vocabulaire, enrichir notre plume. Ça nous empêche pas parfois de tomber sur des livres et de se dire « Mince ! J’aurais aimé l’écrire celui-là ! » .
Cette saga est le fruit d’une passion que vous nourrissez à deux. Et je me demandais justement comment se déroulent vos séances d’écriture ? Arriveriez-vous à nommer ce que vous apportez chacun à la saga ?
Notre façon de procéder à évoluer au fil des années, mais, en gros, il faut d’abord qu’on ait bien travaillé toutes les idées et le plan en amont. Ce qu’on fait à chaque nouveau tome. Comme ça on sait vers quoi on tend pour l’évolution des personnages, l’ambiance générale, les plot twist…
Une fois qu’on a tout le chapitrage (qu’on sait ce qui se passe dans chaque chapitre, que les scènes sont développées au maximum), les séances d’écriture peuvent commencer. Avant, on se partageait des scènes dans un même chapitre, maintenant on a tendance à écrire tout seul des chapitres entiers. Pendant l’écriture, on discute et échange beaucoup, on garde un œil sur ce que fait l’autre afin d’éviter les incohérences (même si, à ce stade, c’est rattrapable). Chacun écrit dans son coin, parfois dans la même pièce, avec ses propres rituels. À chaque chapitre fini, on prend le temps de le lire ensemble, de faire des remarques si nécessaire. C’est génial de voir comment l’autre réagit en découvrant… sa propre histoire ! Ensuite on va passer à la réécriture, correction, et on peut ajouter des passages dans le texte de l’autre si l’envie/le besoin en est !
Jennifer apporte toute sa logique. Son cerveau marche en arborescence, et grâce à elle, rien ne nous échappe dans le plan. Elle peut débloquer n’importe quel problème d’intrigue. Aussi, elle a une vision très cinématographique dans son écriture, ce qui apporte des scènes très visuelles et percutantes.
Alric apporte un côté poétique et philosophique. Il aime les mots rares et les phrases avec une belle mélodie ce qui apporte des scènes profondes et émouvantes.
D’ailleurs, réussissez-vous à cerner les axes d’amélioration de votre texte après votre premier jet ? Ou faites-vous appel à des bêta-lecteurs, comme de nombreux autres auteurices ?
En vérité, nous ne faisons pas vraiment de premier jet, même si ça a tendance à changer. Quand on commence un nouveau chapitre, une fois qu’il est fini… il est fini . Il doit être « parfait » de la première à la dernière phrase. C’est pourquoi on y passe d’ailleurs beaucoup (trop de temps), mais on en gagne du coup à la relecture.
Non, pas de bêta-lecteurs pour LPDM, on en a jamais eu, et on ne souhaite pas en avoir. LPDM c’est un peu notre bébé, on aime le fait de ne pas le partager tout de suite, de le garder pour nous, d’être dans notre bulle plusieurs mois avant qu’il soit édité et partagé avec les lecteurs. Le fait qu’on soit deux nous suffit à avoir le recul nécessaire sur les axes d’amélioration, puis ensuite on se réfère à notre éditrice.
Quatre tomes sont déjà sortis, le cinquième est déjà annoncé… Pouvez-vous rappeler combien de tomes sont attendus pour La Passeuse de Mots, si vous le savez déjà ?
7 tomes en tout ! Concernant le 5ème, nous n’avons pas encore commencé l’écriture, et on souhaite prendre notre temps. Donc il n’est pas à attendre avant au moins 2027. [Patience] est de mise ! Et pourquoi pas, un jour, des spins off. ?
L’écriture du tome 4 a été particulièrement douloureuse pour vous, notamment à cause de la pression et des délais d’après ce que j’ai compris. Est-ce que vous avez réussi à replonger dans l’écriture du tome 5 avec plus de douceur et de confiance ?
Comme on l’a dit plus haut, nous n’avons pas commencé à écrire le T5. C’était inconcevable pour nous de replonger dedans aussi vite après l’écriture du T4, en tout cas sans avoir des bouffées d’angoisse. Il a fallu d’abord se reconstruire et surtout se réconcilier avec l’écriture. Parce qu’on avait totalement perdu l’envie et le plaisir d’écrire, et c’est ce qu’il y avait de plus dur pour nous. C’est pour cela qu’on se laisse du temps. Il faut que ça se fasse en douceur. Et peu à peu, on commence à en reparler et nos personnages nous manquent, ce qui est très bon signe.
Pour finir, j’aimerais beaucoup vous poser quelques questions sur le [Limë] qui ne cesse de grandir au fil des saisons pour répondre à l'appel d'Arya. Vous êtes souvent sollicités - que ce soit en message privé sur les réseaux sociaux ou lors de dédicaces pour promouvoir votre histoire. Est-ce que cette notoriété est facile à gérer pour vous ?
Il y a des bons et des mauvais côtés à cela. Ce qui était plus difficile à gérer, au tout début, c’étaient les mauvaises critiques, la méchanceté, les chroniques vraiment odieuses. On a fait un long travail sur nous, et désormais on ne le vit plus du tout de la même manière, on a réussi à s’en protéger et heureusement.
Une fois qu’on a pris du recul dessus, on a pu se consacrer aux meilleurs aspects de la « notoriété » (on a du mal à appeler ça comme ça, ou à l’admettre peut-être ?). On a une super communauté, loyale, adorable, impliquée. On reçoit beaucoup d’amour, que ce soit en messages ou en dédicaces ! On a fait beaucoup de belles rencontres, des lecteurs sont même devenus des amis. On serait ingrats de se plaindre, mais ce qui peut être difficile à gérer quand même c’est le côté chronophage des RS, on aime répondre à tout le monde, prendre le temps de discuter, mais ce n'est pas toujours simple. Aussi, en tant qu’hypersensibles, la foule, le bruit, la fatigue peuvent être compliqués à gérer pendant les périodes de dédicaces et les salons. On s’épuise facilement en terme d’énergie. Parfois, on peut nous en demander beaucoup, mais c’est normal, notre saga attire des gens sensibles, ils se sentent donc en sécurité pour raconter leurs histoires, souvent tristes, sans se rendre compte que c’est pas facile pour nous d’assimiler la souffrance des autres, crues et sans filtre. Mais on comprend. Et c’est à nous de mettre des barrières.
Vous avez d’ailleurs entamé en 2024 de sublimes collaborations avec des artistes parmi lesquels se trouvent Mina ou encore Sarouille, deux grandes lectrices de la Passeuse de Mots. Était-ce un objectif que vous aviez en tête lorsque vous vous êtes lancés dans l'écriture, et plus particulièrement dans l'aventure de la Passeuse de Mots ? Comment se déroulent ces échanges professionnels nés à l'origine de fan-arts de passionné.e.s ?
Disons que, plus qu’un objectif, c’était avant tout un rêve que de voir notre saga sublimer par des talents. De voir en dessins nos personnages, notre univers, des scènes ! Les fanarts faisaient partie de notre liste de souhaits d’auteurs, et on a été gâtés ! En effet, ces collaborations ont découlé de fanarts spontanés, et surtout de magnifiques rencontres humaines ! Ça s’est fait très naturellement. On discute avec les illustratrices, on créait des liens, et quand nos visions s’accordent ça donne des œuvres extraordinaires ! Nous on adore quand l’art appelle l’art ! Et si on peut, à notre échelle, mettre à l’honneur des talents, donner un coup de pouce à ces artistes, les mettre en lumière, alors on est très heureux !
Et voici les trois questions de la fin…
3) Aurons-nous la chance de vous rencontrer lors de dédicaces en 2025 ?
Oui, nous avons plusieurs dates prévues déjà pour les habituels salons printemps-été ! On ne tardera pas à vous tenir informer sur insta ! Mais on doit avouer qu’on souhaite mettre un frein aux dédicaces, nous en avons énormément fait depuis 2021, une petite pause s’impose !
2) Pensez-vous annoncer un nouveau projet littéraire prochainement ?
Pour le moment, on préfère garder notre petit jardin secret livresque et rester dans notre bulle. L’essentiel pour nous c’est d’aller à notre rythme, de retrouver le goût de l’écriture (sans pression) sans faire la course aux sorties et à l’actualité. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de belles surprises sous différentes formes.
1) Quelle est la plus belle chose que l'on puisse vous souhaiter aujourd'hui ?
Être sereins, une bonne santé mentale et de belles histoires dans les années à venir.

Résumé Tome 1
"Dans le royaume de Hélios, les mots ont un pouvoir. Celui de créer, d’équilibrer, puis de détruire le monde. Lorsqu’on les prononce, aucun retour en arrière n’est possible.Arya, une jeune fille de la capitale, est passionnée de livres. Elle en dévore chaque mot. Mais elle est loin de se douter qu’elle est la clé pour sauver son royaume, le seul qui ait restreint l’utilisation de la magie grâce à un traité. Un traité qui ne plaît pas aux rebelles, prêts à tout pour l’éradiquer.
À l’aube des changements qui s’annoncent, les Mots se réveillent pour établir l’ordre dans le chaos, la vérité dans l’illusion.
Ils attendent leur Appel. Celui de la Passeuse de Mots ».
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